
Le jazz en Russie, une histoire rythmée !

Le jazz s'est répandu en URSS dans les années 1920. Le premier orchestre de jazz de Russie fut fondé en 1922 à Moscou par le poète futuriste, dadaïste, traducteur, danseur et homme de theâtre Valentin Parnakh (1891 – 1951). Son premier concert eut lieu le 1er octobre 1922. Cet orchestre fut employé plus tard par le grand metteur en scène de théâtre Vsevolod Meyerhold dans l'une de ses pièces où les sons du jazz devaient représenter la « réalité occidentale ». L'orchestre comprenait un piano, un saxophone, une clarinette, un trombone et une batterie. L'un des musiciens de cet orchestre était le pianiste Yevgeni Gabrilovitch (1899 – 1993), qui devint un dramaturge et un scénariste de cinéma à succès.
Les premiers groupes américains de jazz à se produire en Russie furent les Jazz Kings du batteur Benny Payton en 1926, avec le grand Sidney Bechet (alors seulement clarinettiste). Ce groupe dans le style de la Nouvelle-Orléans se produisit pendant plusieurs mois dans les théâtres et salles de bal de Moscou, Kharkov, Odessa et Kiev.
Cette même année, l'orchestre londonien de Sam Wooding fit la tournée de la Russie (Moscou et Leningrad) dans le cadre de la revue musicale européenne Chocolate kiddies. Ce groupe était lui aussi composé de musiciens afro-américains, mais sa musique, selon des sources historiques, était moins intense que celle des Jazz Kings.
Le premier groupe professionnel de jazz à tourner et enregistrer fut l'Orchestre de Moscou du pianiste et compositeur Alexandre Tsfasman (en 1928). Les premiers groupes de jazz soviétiques étaient surtout spécialisés dans les danses à la mode, comme le foxtrot et le charleston.
Le jazz commença à devenir populaire dans les années 1930, d'abord par l'activité de l'ensemble qui accompagnait le célèbre acteur et chanteur Leonid Outesov. La comédie Весёлые ребята (« Les joyeux garçons ») (1934), dans laquelle il joue, est l'histoire d'un musicien de jazz et sa musique est composée par Isaak Dounaïevski. Leonid Outesov, conjointement avec Yakov Skomorovski, a créé un style original de « jazz théâtral » consistant en un mélange de musique, de théâtre et d'opérette.

Serguei Ermolaeff (Serge Ermoll), chef d'orchestre de jazz russe, présenté dans une revue de Mandchourie en 1937

Le jazzman du goulag (2006)
« Récompensé par un Emmy Award, Le jazzman du goulag évoque, grâce à des documents d'archives inédits, la vie extraordinaire d'Eddie Rosner, trompettiste, compositeur et chef d'orchestre allemand d'origine polonaise. Quasiment inconnu en France, cet enfant prodige du jazz, surnommé "l'Armstrong blanc" par Armstrong lui-même, devint, au terme d'une épopée poignante, le "tsar" du jazz en URSS. Artiste maudit, persécuté par les nazis en tant que dégénéré, consacré "musicien d'État" par Staline avant d'être banni et déporté au goulag, Rosner a tout connu : la gloire, l'exil, l'horreur, le génie et la pauvreté. Un homme extraordinaire, généreux qui a tout possédé et tout perdu... sauf son amour du jazz. »
Un rôle important dans la popularisation et le développement du swing fut aussi joué par des groupes de Moscou dirigés par Alexandre Tsfasman et Alexander Varlamov dans les années 1930 et 1940. L'Orchestre de jazz radiodiffusé de l'URSS dirigé par A. Varlamov participa à la première émission de télévision soviétique. L'orchestre d'Oleg Loundstrem est le seul orchestre de cette époque à avoir survécu. Aujourd'hui célèbre, ce big band fut l'un des rares et des meilleurs ensembles de jazz de la diaspora russe à jouer en 1935-1947 en Chine.



Les autorités soviétiques ont toujours eu une attitude ambiguë à l'égard du jazz, selon les époques « musique capitaliste décadente » ou « musique des prolétaires noirs de l'Amérique » : les jazzmen russes, en règle générale, ne furent pas exilés, bien que le jazz en tant que tel fût sévèrement critiqué dans le cadre d'une critique générale de la culture occidentale dans son ensemble. Si, pendant la Seconde Guerre mondiale, le jazz, musique des Alliés, fut considéré positivement, à la fin des années 1940, dans un contexte de lutte contre le cosmopolitisme, le jazz en URSS connut des temps très difficiles, et les orchestres jouant de la musique occidentale furent persécutés. Après le dégel, les répressions envers les musiciens cessèrent, mais le dénigrement continua.
Dans les années 1950-60, les orchestres de Eddie Rosner et Oleg Loundstrem reprirent leurs activités à Moscou ; de nouveaux groupes de jazz apparurent, dont les plus remarquables furent les orchestres de Yosif Vainstein (Leningrad, aujourd'hui Saint-Pétersbourg) et Vadim Loudvikovski (Moscou), de même que l'Orchestre de variétés de Riga. Les big bands révélèrent une constellation d'arrangeurs de talent et de solistes improvisateurs, dont le travail créatif éleva le jazz soviétique à un niveau jamais atteint et le rapprocha des standards mondiaux du jazz.

Ce fut le début du développement du jazz de chambre et de club dans toute la diversité de ses styles (German Loukianov, Guennadi Goldstein, David Golochekin, Nikolaï Levinovski, Viatcheslav Ganelin, Alexeï Kozlov, Roman Kounsman, Nikolaï Gromin, etc.) ; les premiers festivals de jazz, aujourd'hui très fréquents, remontent à cette époque.

Festivals de jazz en URSS et en Russie













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Le jazz américain édité et goûté en Russie
Les Platters
Ella Fitzgerald (cf. aussi chapitre Chanson)
Louis Armstrong
Count Basie


Charlie Parker
Ben Webster
Dizzie Gillespie et Oscar Peterson

Gershwin

Dave Brubeck
Harry James
John Coltrane
Freddy Hubbard
Acker Bilk
Benny Goodman

Ray Conniff à Moscou

Charles Lloyd
Un groupe mixte inspiré : The Russian Jazz Quartet (1964)

Anecdotes
Le big band de Benny Goodman se produisit à Moscou en 1962 au Palais des sports de l'armée. À une époque marquée par les scandales d'espionnage (un avion espion américain venait d'être abattu dans le ciel soviétique), le KGB soupçonnait des « provocations capitalistes », si bien que seule une poignée de tickets fut disponible pour les fans de jazz de Moscou ; plusieurs milliers de tickets furent distribués aux cols bleus « idéologiquement fiables » par le biais des comités du parti. Le leader soviétique Nikita Khrouchtchev assista au concert, mais fut rapidement gagné par l'ennui pour une musique qui lui était étrangère, et partit au cours de l'entracte.

Louis Armstrong ne se produisit jamais en URSS, bien que son producteur George Avakian eût essayé d'arranger une tournée soviétique. Ekaterina Fourtseva, la ministre soviétique de la Culture, refusa cette tournée car elle craignait qu'il devienne « trop populaire ». En 1958, Louis Armstrong adressa à ses fans russes quelques mots en russe sur Radio Liberty, et joua de la trompette sur le hit soviétique n° 1 Cinq minutes, qui se trouva être, par hasard, le premier enregistrement soviétique à impliquer une technique de doublage (la chanteuse Lioudmila Gourtchenko chantait dans un studio vide, en écoutant par des oreillettes le big band préenregistré de Eddie Rosner). Il existe un enregistrement de ce « double doublage », par le label russe SoLyd Records, en 2006 (comme bonus sur le CD The liberty of jazz, SLR 0363).
Le jazz au célèbre Russian Tea Room de New York

Frederick S. Starr : Red and hot: the fate of jazz in the Soviet Union, 1917-1980, New York, Oxford University Press, 1983.


William Minor : Unzipped souls: a jazz journey through the Soviet Union, Philadelphie, Temple University Press, 1995.



Des magazines sur le jazz russe


Un film sur les débuts du jazz en Union soviétique, Мы из джаза (1983)



Un autre film célèbre
Весёлые ребята (1934)
... Et un grand site Internet : jazz.ru !

Le rock en URSS
Un document intéressant sur la réception « idéologique » en URSS de certains groupes de rock !





Caricature de Krokodil
L'histoire du rock en URSS


Des bestsellers de l'époque (1969, 1975, 1978)
Un célèbre film finlandais sur un (faux) groupe de rock russe : Leningrad cowboys go America (1989)
Un intéressant reportage français sur le rock en URSS : Рок вокруг Кремля (1985)






Une caricature russophobe
Vladimir Poutine pousse la chansonnette...