Jacques Capelovici – Voici le cap !
Qu'il nous soit permis ici de rendre un amical hommage au bon Maître que nous admirons depuis notre prime jeunesse et que nous avons eu l'honneur de fréquenter ces dernières années – et dont nous avons même eu la chance de partager quelques agapes en ses restaurants favoris du 14e arrondissement de Paris (où il aimait à commander « un » entrecôte), avant qu'il ne se retire à la maison de retraite d'Arcueil.
Jacques (Roger Albert)
Capelovici (né d'un père d'origine roumaine naturalisé [voir
ici des informations sur sa généalogie – il a eu, c'est notable, une sœur actrice] et d'une mère normande – son patronyme, répandu en Roumanie, est d'origine serbe et remonte à une racine signifiant « chapelle » [d'aucuns le font dériver de l'hébreu Yakov, « Jacques »], à l'instar d'un autre grammairien et chroniqueur au
Figaro, Maurice Chapelan, alias Aristide), bien connu des téléspectateurs sous le nom de «
Maître Capello (ou
Capelo) » (le Kapellmeister de l'ORTF !), a été juge-arbitre de la télévision française pendant des décennies (et non des décades !).
Il a passé son enfance au 11, rue Saint-Placide, dans le 6e arrondissement de Paris, dans un immeuble aujourd'hui disparu.
Apparu pour la première fois à la télévision en 1966, en tant que participant à l'émission-jeu
Télé-dimanche (il était venu avec des élèves), il sera recruté puis deviendra par la suite arbitre
du
Francophonissime (1re chaîne, 1969-1981, rebaptisé
Le Francophone d'or en 1981),
de
Pourquoi ? (1re chaîne, 1970),
enfin des
Jeux de vingt heures (3e chaîne, mars 1976-janvier 1987, où ses fameuses formules et ses envolées lyriques ont contribué à faire de lui un mythe télévisuel), jeux consacrés à la langue française et ses chausse-trapes.
Il fut l'invité vedette d'innombrables émissions de
télé, notamment
de
Sports dimanche de Raymond Marcillac (1959),
Le jeu du bac de Raymond Marcillac (La Une, 1968),
puis
Pyramide, sur la 2e chaîne, dont il fut un temps l'arbitre en voix off, mais aussi
des émissions de Thierry Ardisson et Michel Drucker, sur la 2e chaîne,
de
C'est mon choix – C'est ensemble qu'on est devenu célèbre (avec Jean-Pierre Descombes, animateur des
Jeux de vingt heures), sur la 3e chaîne, en 2000,
de Foot 3, sur la 3e chaîne,
de La classe, sur la 3e chaîne, en septembre 1988,
de Télé-délires, sur la 1re chaîne, en 1995,
du magazine Phénomania (Titeuf : explication d'un succès), sur la 5e chaîne, le 29 avril 2005, où le Maître se montre particulièrement critique à l'égard de cette bande dessinée, ou encore
de L'Œil du cyclone, sur Canal+ ;
il a aussi été membre du jury de l'émission Les chiffres et les lettres sur la 2e chaîne, en 1990 ;
on l'a revu en 2003, sur la 6e chaîne, dans une émission consacrée aux années 1980, intitulée Absolument 80, présentée par Benjamin Castaldi, et encore lors d'une caméra cachée (dans un parking) (photos ci-après)
et de radio, dont
les célèbres Grosses têtes sur RTL (où Philippe Bouvard et Jean Lefebvre l'ont quelque peu malmené, au point de lui faire abandonner l'émission – Gérard Jugnot en témoigne dans ses mémoires)
et
C'est quoi ce bordel ? sur Europe 2, chez son admirateur l'humoriste Laurent Baffie, qui l'invita même à participer à son film
Les clefs de bagnole en 2003 ;
il apparaît d'ailleurs dans un épisode de la série télévisée comique
Baffie vérifie la pub, en 1993 ;
c'est toujours son sens de l'humour qui l'a amené à figurer en 1990 dans une réclame pour des pâtes de la marque Lustucru,
et même en couverture du magazine satirique
Hara-Kiri, en avril 1980, aux côtés de Coluche.
Signalons encore une émission de radio :
Tire ta langue, sur Radio France Internationale, avec Nicole Gendry, le 16 janvier 1992.
François Morel, dans
C’est mieux que rien ! (série d'émissions diffusées sur France Inter du 15 juillet au 2 septembre 1995) pose des questions à Jacques Capelovici.
Un
spécial Maître Capello, hommage en forme de parodie, a été réalisé par les Nuls, dans l'émission
Le Zouzouk (diffusée d'octobre 1994 à juin 1995) sur Europe 1 (lors d'une autre émission télévisée des Nuls, on avait pu voir le bon Maître en jogging rose !).
Grand amateur de déguisements, il apparaît ici dans le rôle d'un petit garçon ayant perdu son ballon !
Il a également été l'invité de Sébastien Cauet.
Un dessinateur, Jack Domon, a portraituré le Maître dans l'un de ses albums,
Fan des années 80 (éd. Jungle, 2008).
Il est aussi caricaturé dans l'album
Télé, ton univers impitoyable (Glénat, 1985),
ainsi que sur le site de célébrités
Caricature zone,
sans oublier le célèbre caricaturiste Siro (Pierre Rollot).
L'émission
Les guignols de l'info (sur Canal +) a créé une marionnette à son effigie après son décès.
Il est à noter que de nombreux internautes utilisent le nom de Maître Capel(l)o (voire Capelovici) comme pseudonyme ou surnom, en revanche, le Maître n'étant pas lui-même internaute, toutes les pages, notamment sur les réseaux (Facebook, Instagram, X (ex-Twitter), MySpace, etc.), signées de ces noms représentent des usurpations d'identité.
Enfin, un rappeur a même pris, en hommage au Maître, le pseudonyme de KPLO – qui est l'une des signatures de J. Capelovici, comme l'atteste ce message adressé au
Blog à la gloire des Jeux de vingt heures.
Un autre rappeur appelle une de ses chansons Capelovici, en référence au Maître. Voir ici une autre curieuse déclinaison. ----------
[C'est ici l'occasion de corriger une injustice relative à une prestation du Maître dans le jeu Qui veut gagner des millions ? (1re chaîne, émission du 30 novembre 2004) : sollicité par téléphone par son ami Laurent Baffie, pour connaître le pluriel de croche-pied, il répondit que ce nom était invariable, ce qui se révéla faux, selon le Petit Larousse, dictionnaire de référence de ce jeu, qui donne croche-pieds. Or, comme nous le confirmâmes au Maître, il s'agit d'une convention des plus arbitraires, car on ne croche généralement qu'un pied à la fois. On a bien, en emploi substantif, au sens de « boiteux », un cloche-pied, invariable au pluriel. En outre, les graphies du pluriel de certains noms composés ont fait l'objet de régularisations récentes, et on trouve bien, en regard, des crocs-en-jambe (sans s à jambe), ou casse-pied(s), au singulier comme au pluriel ; de même : chauffe-pied(s), au singulier comme au pluriel, mais chausse-pied, pluriel chausse-pieds (sauf chez Bescherelle : chausse-pieds, au singulier comme au pluriel) ! L'avis du Maître était donc parfaitement logique et justifié, n'en déplaise à certains réformateurs et lexicographes, par ailleurs pas toujours très cohérents...]
Au Francophonissime
À Pourquoi ? Voici la présentation de ce jeu et un extrait (INA).
Les Jeux de 20 heures
Extrait de T. Wolf & S. Lenoir : Génération télé, Les Belles Lettres / FGL, 1994.
L'animateur du jeu et complice du Maître, récemment décédé, chante le Maître
Témoignage de J.-P. Foucault (Ce n'est pas mon dernier mot !, Albin Michel, 2008)
Fin des
Jeux (extrait de
Cols bleus, 2 janvier 1982)...
On peut entendre le Maître dans ses œuvres télévisuelles au début du film Marche à l'ombre de et avec (le regretté) Michel Blanc.
Chez Michel Drucker (Champs-Élysées, 1984)
(Le Maître dit négligemment à Michel Drucker : « Je suis certain que vous êtes de ceux qui ne... commettez point de fautes de français ! » Ah ! le bougre ! Néfaste syllepse ! Amicus Capelo, sed magis amica veritas.)
La classe, septembre 1988
C'est mon choix (2000)
Critique acerbe de Titeuf
L'Œil du cyclone
À Absolument 80
Chez Thierry Ardisson (Tout le monde en parle)
Chez Thierry Ardisson, émission 93, faubourg Saint-Honoré, 25 avril 2005
Les clefs de bagnole
Chez Laurent Baffie (C'est quoi ce bordel ?) : extraits sonores
Dans Baffie vérifie la pub (1993)
(Le Maître distrait lâche à la fin « qu'entends, qu'ouïs-je ? » au lieu du « qu'ois-je » attendu – conjugaison du présent obsolète du verbe ouïr dont ouïs est le passé simple –, qu'on se rappelle le sketch de Raymond Devos ! Amicus Capelo, sed magis amica veritas.)
Parodie des Nuls
Encore avec Les Nuls Avec Valérie Benguigui
Publicité : les « carabistouilles »
Couverture de Hara-Kiri
Dans L'os à moelle (fondé par Pierre Dac), en 1984
Vu par Jacques Faizant
Extrait de Fan des années 80, de Jack Domon
Extrait de
Télé, ton univers impitoyable
Caricature extraite du site Caricature zone
Caricature de SiroPochoir de Christian Guemy
Marionnette des Guignols
Né à Paris le 19 décembre 1922 (et non en 1932, comme indiqué à tort çà et là, notamment à la BnF), agrégé d'anglais (reçu 9e
ex aequo en 1953), certifié d'allemand, licencié d'italien et diplômé de scandinave ancien [en 1949 et 1950, décoré des palmes académiques, il participe activement, en tant qu'auditeur, aux leçons de philologie germanique du distingué Fernand Mossé, à l'École pratique des hautes études, aux côtés d'un autre angliciste célèbre qui deviendra linguiste, Antoine Culioli ; André Crépin, membre de l'Institut, évoque dans ses souvenirs J. Capelovici],
lisant le braille (ce fut aussi un spécialiste de mécanique automobile et un excellent pongiste, un harmoniciste, ainsi qu'un passionné d'histoire et un mathématicien subtil), ce distingué polyglotte, après avoir fait son service militaire en tant qu'officier de liaison dans l'armée britannique dans leur zone d'occupation en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, fut instituteur, professeur d'allemand (à Paris) puis d'anglais (notamment au célèbre lycée Lakanal de Sceaux, où il eut parmi ses élèves de nombreuses futures célébrités, telles que Thierry Le Luron ou Julien Clerc, et où il a laissé le souvenir d'un maître aussi autoritaire que farceur, promoteur d'une pédagogie d'avant-garde, et de nombreuses anecdotes circulent à son sujet sur l'Internet.
Quelques anecdotes glanées çà et là, après sa mort :
Jacques Capelovici a été mon prof' d'anglais au Lycée Lakanal, et il a été le meilleur que j'aie connu. En classe, il nous faisait écouter des disques d'Elvis Presley alors que le rock n'était pas encore à la mode en France. Projections de diapositives sur ses voyages aux USA et longues explications sur la vie des Américains ! Toujours captivant et original, cet homme était un érudit qui savait partager sa passion pour les langues, y compris le français. À mon avis, c'était un excellent pédagogue ; j'ai adoré ses cours ainsi que ses articles de presse. Bravo et merci encore, Monsieur Capelovici !
Monsieur Capelovici qui était un grand voyageur à une époque où la télévision était un objet de luxe, où internet ne faisait même pas partie des rêves des plus fous et il en ramenait des films. Ces films n'étaient pas réservés à ses élèves et j'ai encore en mémoire ces séances de projection au foyer du lycée au cours desquelles M. Capelovici commentait ses images et nous apprenait à regarder d'autres gens, à évaluer et à comprendre leurs différences avec nous et à nous en étonner tout en ne les trouvant ni ridicules ni critiquables.
Après avoir participé à l'école d'été de Toronto à Saint-Pierre-et-Miquelon, voir ce témoignage :
Ici, il défend les positions du français au Canada (Le Devoir, 31 août 1963).
Ancien boursier du lycée Chaptal en 1934-1935 et régulièrement signalé comme excellent élève (Le Temps, 16 août 1935 et 19 août 1936).
Et sportif !
Le Maître en action
Extraits de France Tennis de table, n° 360, déc. 1980
Extraits de France Tennis de table, n° 382, déc. 1982
Extraits de France Tennis de table, n° 426, déc. 1986
Très actif, il a souvent correspondu avec des personnalités (ici avec Jean-Richard Bloch, codirecteur du journal Ce soir et conseiller de la République) et été l'invité de dîners « intellectuels ».
Il a publié des manuels scolaires (Anglais. 1, 2, langue technique accélérée, 2e année, Anglais. 3, Prononciation des mots d'anglais, fascicule d'accompagnement, Vanves : Centre national de télé-enseignement, 1968 ; Nouveau cours d'anglais. 6e, Paris : Wesmael-Charlier, 1969 ; Nouveau cours d'anglais. Classe de 6e. Travaux pratiques... fiches, Paris/[Namur] : Wesmael-Charlier, 1972 ; Nouveau cours d'anglais. 5e, Paris : Wesmael-Charlier, 1970 ; Nouveau cours d'anglais. 4e, Paris : Wesmael-Charlier, 1972 ; Le pont jeté entre deux classes. 6e - 5e. Anglais, Paris : Bordas, 1973 ; Le pont jeté entre deux classes. 5e - 4e. Anglais, Paris : Bordas, 1973), un Précis grammatical d'anglais (1970), un Mémento grammatical d'anglais, ainsi que des traductions (ouvrages sur Goethe, Shakespeare, notamment, mais aussi illustrés Disney) et des adaptations (livres pour enfants).
En tant que défenseur du bon français (s'il n'est pas le premier, il a su s'imposer comme l'un des meilleurs et des plus sympathiques, en passant outre les critiques de certains linguistes, tels Charles Müller, Bernard Cerquiglini ou Michel Arrivé, et ses avis sont largement suivis ou commentés dans le monde entier), il a publié nombre d'articles sur l'enseignement et la langue, entre autres dans les revues La voix des parents, Vie et langage, dans le bulletin de l'ASSELAF, dans Télé 7 jours (chronique « Télé-langage ») et dans Le Figaro (rubrique « Le bon français »), etc. Citons encore « les 101 conseils de Maître Capelo », in Parlez-vous correctement français ?, hors-série jeux du Point) et des ouvrages de référence (En plein délire scolaire [1984], Parlons [correctement] français [1971], Le français sans fautes [1990], Guide du français correct [1992]), où la justesse du jugement s'allie plaisamment à un ton parfois badin et souvent d'une mordante ironie (il n'a en outre jamais manqué de répondre personnellement aux nombreuses lettres qui lui étaient adressées).
Il avait coutume d'adresser chaque année une liste de remarques et corrections aux éditeurs du Petit Larousse et du Petit Robert.
Il a participé aux dictées de l'École normale supérieure, ainsi qu'à la première « Dictéléthon » organisée par les policiers à l’hôtel de police de Créteil, le 6 décembre 1997.
Et il a fourni le vocabulaire de la version française d'un jouet pédagogique électronique destiné aux enfants, « La dictée magique » (1979).
Enfin, il fut le correspondant épistolaire d'Étiemble dans son livre de 1964 : Parlez-vous franglais ?
Dans chaque numéro du bulletin professionnel de la SNECMA, il publiait sur quatre pages une rubrique généralement sous le titre « Le français tel qu'on le parle ».
En 1990, il intègre par décret la commission de terminologie du sport.
Points de vue pédagogiques :
Extrait du International Herald Tribune
La Voix de l'Est, 16 sept. 1965
Le Soleil, 4 déc. 1969
Extraits du Franc-Tireur, 19-20 avril 1952 et 14 juin 1952 (tournois d'échecs)
À l'École commerciale de jeunes gens, à Paris, en 1958 et 1959
Au lycée Lakanal, en 1957
Au lycée Lakanal, en 1959
Au lycée Lakanal, en 1961
Au lycée Lakanal, en 1977
Ses disques de prononciation
Ses manuels d'anglais de 6e, 5e et 4e
William Shakespeare, textes sur Shakespeare adaptés par Jacques Capelovici, incluant des extraits des œuvres de Shakespeare, Paris : « Paris-Match », coll. « les géants de la littérature mondiale », 1969, 136 p.
Goethe, textes sur Goethe adaptés par Jacques Capelovici, incluant des extraits des œuvres de Goethe, Paris : « Paris-Match », coll. « les géants de la littérature mondiale », 1969, 136 p.
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Articles de J. Capelovici (florilège)
Un des aspects essentiels de la phonétique anglaise, Mélanges de linguistique et de philologie. Fernand Mossé in memoriam, Didier, 1959.
Cahiers pédagogiques
N° 4-5 (15 janvier 1956)
Les pieds sur terre
Vie et langage
N° 75 (juin 1958)
Le snark
N° 79 (octobre 1958)
Le secret des noms de voitures
N° 80 (novembre 1958)
Pétrole, huile, essence
N° 83, 84 (février, mars 1959)
Le français appris « par la bande »
N° 88 (juillet 1959)
Les « amalgames » dans la langue anglaise
N° 93 (décembre 1959)
Histoires de cochon...
N° 104 (novembre 1960)
Beefsteack ou biftec ?
N° 115 (octobre 1961)
À propos d'une révision des termes sportifs
N° 117 (décembre 1961)
D'un anglais « made in France »
N° 118 (janvier 1962)
« Partition » (suite et fin)
N° 120 (mars 1962)
La langue française dans le monde
N° 129 (décembre 1962)
Parlons français
N° 133 (avril 1963)
Les âges de la vie
N° 163 (octobre 1965)
La prononciation des Canadiens
N° 166 (janvier 1966)
Un jeu linguistique : bilinguisme géographique
N° 169 (avril 1966)
Suivez le porc
N° 178 (janvier 1967)
Un enseignement presque inexistant, celui du français en France
N° 180 (mars 1967)
Parlons (correctement) français
N° 188 (novembre 1967)
Et si nous parlions un peu du frallemand ?
N° 204 (mars 1969)
En partant d'Avignon
Le Figaro
7 avril 1959
L'étude des langues étrangères : un bilan de faillite...
26 mai 1959
Pour une véritable réforme de l'enseignement
2 avril 1969
St-Pierre-et-Miquelon, poste avancé de la France en Amérique du Nord
26 septembre 1989
Vive l'ortograf !
18 mai 1993
Le néo-français
9 octobre 1997
Le bon français, d'Œdipe à Goebbels
13-14 mars 1999
Du sexe au genre
11 octobre 1999
La crapule, sa victime et le témoin
01-02 juillet 2000
Vocabulaire et politique [« Le mépris de l'orthographe, c'est de l'antifascisme ! »]
26-27 août 2000
Orthographe - Halte au massacre !
19 janvier 2001
Prodigieux étalage de cuistrerie « pédagogique »
14 février 2002
[Sur « de » Gaulle]
4 septembre 2004
De l'anglais « made in France »
17 septembre 2004
Exotisme alimentaire
Défense de la langue française
1965
Nouveau plaidoyer pour une mappemonde
janvier-février-mars 1997
La langue de la clarté et de la précision ?avril-mai-juin 1997
Non, la clientèle n'est pas à vendre !
juillet-août-septembre 1997
Incursion dans le « néo-français »...
octobre-novembre-décembre 1997
Toujours muet, jamais aspiré
janvier-février-mars 1998
L'été indien des nominés
juillet-août-septembre 1998
Quel « été indien » ?
Halte aux faux savants !
octobre-novembre-décembre 2000
Interpeller
janvier-février-mars 2001
Les imbécil(l)es
Lettre(s) (Bulletin édité par l'ASSELAF)
N° 4 (juillet-septembre 1992)
Si les réformateurs de l'orthographe daignaient répondre
La Voix des parents
avril-mai 1966
L'enseignement des langues étrangères : une grande espérance déçue
Les Nouvelles littéraires
18 avril 1969
Le faux problème de l'orthographe
Institut pédagogique national. Bulletin de la radio-télévision scolaire
21 mars 1964
N'abusons pas des mots anglais
22 avril 1967
À mots découverts
Les leçons de Maître Capello sur la radio suisse (1967)
Orthographe : les cinq nouveautés (19 juin 1990) (INA)
À Midi 2 (le 12/02/1992), il parle de la cédille !
La trouilloteuse euro (2 janvier 2002) (INA)
Albums pour enfants aux textes signés J. Capelovici
La dictée magique
Grand verbicruciste (et cruciverbiste, cela va de soi – dès ses 10 ans, il avait même envoyé une grille à Tristan Bernard, qui lui avait répondu – ce même Tristan Bernard qui correspondit avec sa sœur, l'actrice Reyna Capello (Capelovici) [Reyna est d'ailleurs l'un des prénoms de sa fille], laquelle eut de célèbres amitiés, dont le grand poète Jehan-Rictus),
il a publié de nombreux recueils de grilles (et donné des grilles à diverses revues et magazines, dont le Manuel général de l'instruction primaire, dès 1957, Vie et langage et Télé 7 jours, jusqu'en décembre 2010) ainsi qu'un Que sais-je ? sur la Pratique des mots croisés (1975). Il est d'ailleurs l'importateur des mots fléchés en France. Spécialiste de l'alexandrin, du jeu de mots (mais ennemi de l'à-peu-près !), de l'anagramme (nom féminin !) (on se souvient de l'inénarrable tu ornes la vache de pépé pour Alpes de Haute-Provence) et du palindrome, il en a forgé de célèbres, tels Ésope reste ici et se repose (qui figure dans le Larousse) ou Éric notre valet alla te laver ton ciré (Éric pouvant être avantageusement remplacé par Luc !). Il a fait de nombreux émules, dont Gérard Durand, auteur de Palindromes en folie (Les Dossiers d'Aquitaine, 2003), auquel il a consenti une préface (extrait ci-après).
Proche d'un autre Jacques, Lacan, cet oulipien fut l'inventeur génial de déconstructions syllabiques et nous donna une
Marseillaise et une
Carmen revisitées où il était question entre autres de
nos six ions et d'
enfants de beaux M... Innombrables étaient ses jeux de mots:
mère zlota, père zloty,
bonne athée, bonne sans nez...
Il aimait dédicacer des photos de lui, qu'il personnalisait par un alexandrin toujours fin !
Jean Diwo, ancien directeur de
Télé 7 jours, consacre au Maître un passage de son livre
Si vous avez manqué le début (Albin Michel, 1976) : « Capelovici, le chasseur de solécismes » (chap. 5).
François Diwo, son fils, lui rend aussi hommage :
« J’ai 11 ans, je rentre en sixième : premiers cours d’anglais. Fan des Beatles, je suis pressé de comprendre enfin les paroles de mon groupe préféré. Hélas, Impossible de retenir les conjugaisons. En novembre 1966, papa prend des mesures.
Ma mère s’arrache les cheveux en me faisant réciter les verbes irréguliers... Une catastrophe ! C’est alors que mon père a une idée : « Je vais en parler à Capello ! » Il le connaît pour lui avoir confié la rubrique « Télé langage », de « Télé 7 jours », dans laquelle Capello relève les fautes de français commises par les présentateurs. Il sait donc qu’il est professeur agrégé d’anglais. Rendez-vous est pris le jeudi suivant. Dire que je suis emballé serait mentir. Pas envie de passer mon après-midi à l’autre bout de Paris, chez un prof que je ne connais même pas !
La porte s’ouvre sur un drôle de bonhomme et son petit caniche gris qui ne veut plus quitter mes mollets. « Ton père m’a dit que tu as des problèmes en anglais ?
– Oui, pourtant je fais des efforts. »
Et le voilà qui se met à me parler en anglais : « Do you want something to drink ?
– Pardon ?
– Do-you-want-some-thing-to-drink ?
– Si je veux boire ?
– Tu vois, tu parles un peu anglais !
– Non, j’ai juste compris “drink”.
– C’est déjà ça, tu ne mourras jamais de soif ! »
Moi qui redoutais un cours aussi barbant qu’au lycée, je suis rassuré quand il me propose de jouer au Scrabble. Mais en anglais ! Un Scrabble un peu particulier puisqu’on n’utilise pas le plateau, seulement les lettres disposées sur la table, avec lesquelles je dois écrire en anglais les mots qu’il me prononce en français. J’ai trente secondes et chaque bonne réponse vaut cinq points. Evidemment, je me pique au jeu et l’après-midi passe sans que je m’en rende compte. Quand je l’ai quitté ce jour-là, je connais par cœur ma leçon de vocabulaire pour le lendemain. Devant ce miracle, il est décidé que j’irai chaque jeudi réviser mon anglais chez lui. Il me fait résoudre des mots croisés bilingues qu’il utilise comme exercice avec ses élèves du lycée Lakanal de Sceaux, des quiz comme dans un jeu télévisé, bref, il rend ludique et passionnant ce qui était si rébarbatif en cours. Grâce à lui, mes notes s’améliorent à tel point que je finis premier de ma classe. Il me donne aussi des devoirs à faire à la maison, j’adore ça : à mon tour maintenant de composer des mots croisés en anglais, qu’il me corrige la semaine suivante. En plus de l’anglais, j’apprends à créer des jeux sans me douter que j’en ferai plus tard mon métier.
S’il était craint au lycée – mon ami Thierry Le Luron, ancien élève de Lakanal, m’a dit bien des années plus tard que c’était le prof le plus redouté –, avec moi, Capello a toujours été sympa... et drôle. Comme lorsque nous prenons un taxi ensemble. Nous attendons station Denfert-Rochereau, quand le téléphone de la borne se met à sonner. Et voilà Capello qui décroche et crie dans l’appareil : « C’est pour un taxi place Denfert-Rochereau ! » Puis, avisant un taxi qui arrive, il me glisse : « C’est drôlement rapide ! » A bord, la conductrice l’apostrophe : « Vous n’avez pas honte, monsieur, de jouer avec un outil de travail ! Quel mauvais exemple vous donnez à cet enfant ! » S’ensuit un incroyable dialogue de sourds entre Capello, qui ne comprend pas ce qu’on lui reproche, et la « chauffeur », persuadée qu’il se moque d’elle. Elle porte un turban et, pour mettre un terme à la discussion, il lui lance : « Je suis professeur agrégé et grand-père, ce n’est pas une folle enturbannée qui va me faire la leçon ! » Le voyage se termine dans un silence de mort et, au moment de sortir, Capello s’exclame, théâtral : « Je ne vous salue pas, madame ! » Car c’était aussi un comédien qui adorait les projecteurs et avait toujours sur lui des photos qu’il dédicaçait – en alexandrins ! – à ceux qui le reconnaissaient.
Lorsque j’ai eu l’idée de créer « Télé 7 jeux », il a été le premier à m’encourager et fut pendant plus de vingt ans notre auteur vedette. Chaque année, à notre championnat de France de mots fléchés, il était la guest-star (quel odieux anglicisme, m’aurait-il reproché, lui qui enseignait l’anglais, adorait le français mais détestait qu’on les mélange) attendue par tous les candidats. L’émotion populaire manifestée lors de sa disparition, en mars, a démontré combien les Français aimaient ce puits de sciences aux allures de Professeur Tournesol qui savait enseigner en amusant. Le Maître que tout le monde aurait voulu avoir. »
Mais Jacques Capelovici était aussi un japonisant amateur éclairé (il participa à l'émission aujourd'hui disparue
Japonais absents [FR3, 1981], et il avait coutume dans son enseignement de jouer des anglicismes en japonais), et s'intéressait à de nombreuses langues, dont l'espagnol, le breton (il nous avait surnommé « le besson », connaissant le sens de notre patronyme breton), l'arménien, l'hébreu, le chinois, le vietnamien et le russe – auquel l'initia le professeur Alexis C., notre distingué collègue et ami, agrégé de grammaire et linguistique russe, qui fut à l'origine de notre rencontre avec le Maître.
C'est ainsi qu'il a toujours tenu à mettre en garde, dans ses ouvrages, contre la prononciation vicieuse de certains noms russes, écorchés par les ignorants.
Citons-le (
Le français sans fautes) :
«
Mots russes : excès de zèle
Les noms du maréchal
Joukov et de l'écrivain
Soljenitsyne s'écrivent en français avec un « j » qui représente tout simplement le son contenu deux fois dans notre
joujou. Si ce « j » avait la valeur qu'il a en allemand, ces deux patronymes s'écriraient respectivement « Youkov » et « Solyenitsyne ». Cette évidence n'empêche pas de beaux esprits de les prononcer de cette façon archifausse. Le désir qu'ont les pédants de se distinguer ne connaît pas de limites. »
Il précisait (
Guide du français correct) :
« Si elle [cette prononciation en y] correspondait à la réalité, nous écririons ce nom avec un « y », comme le prénom russe
Youri. »
L'amusait aussi beaucoup le fait que les o inaccentués se prononcent en russe « a », si bien que la transcription française de mots contenant de tels o (transcription orthographique et non phonétique) ne peut que trahir la prononciation d'origine; il citait volontiers les mots suivants, contenant trois o dont aucun ne se prononce « o » (et dont la consonne finale est assourdie) : le nom propre Ворошилов (prononcé à peu près « Var Achille œuf », en transcription Vorochilov) et l'emprunt локомотив (prononcé à peu près « la came à tifs », du français locomotive).
Nul doute que Maître Capello eût fait un éminent russisant !
Jamais à court de recherches, de réflexions et de trouvailles, ce patriarche comblé (notamment père d'une enseignante et arrière-grand-père d'un petit Hadrien – anagramme d'enhardi ! –, hélas veuf de sa fidèle compagne de toujours Léa) nous a quittés le dimanche 20 mars 2011. Il repose à présent au cimetière du Montparnasse, à Paris, aux côtés de son épouse.
De très nombreux journaux lui ont rendu hommage.
France Dimanche
Ici Paris
Et bien sûr
Télé 7 jours
Nous accompagnions à l'occasion le Maître, fin gourmet, dans son restaurant favori du quartier Alésia (il était aussi habitué du célèbre restaurant de viande d'hippopotame de ce quartier, ainsi que du café au coin de sa rue Bezout, tenu par une Japonaise) pour déguster des huîtres (et il aimait à rappeler l'origine du h de ce mot, destiné à le distinguer de
vitre, quand le u s'écrivait comme v).
Toujours accompagné de son cercle de fidèles (dont nous eûmes l'honneur de faire partie), il avait créé pour eux une confrérie, dont nous fûmes sacré membre...
Il a été souvent interviewé, notamment par Léandri, dans Fluide glacial (n° 110, 1985) et l'une de ses "encyclopédies du dérisoire" (1996), où son ton est vif et coloré
par le journal satirique Pilote (photo ci-après)
caricature de Gotlib
ou encore par le journal Français d'abord (312-333) (« Je réagis contre la sottise et l'ignorance prétentieuse »).
Nous reproduisons ci-après une interview de Maître Capello dans un hebdomadaire télé, par Franklin Didi :
-On massacre toujours autant le français à la télé ?
-Hélas ! Parmi les barbarismes les plus tenaces : rénumérer, réouvrir, commissairiat, pécunier, carapaçonné, censés signifier rémunérer, rouvrir, commissariat, pécuniaire et caparaçonné. Oasis et interview sont employés au masculin et tentacule et planisphère au féminin : à tort !
-D'autres exemples ?
-On appuie sur la gâchette au lieu de la détente, on commémore les anniversaires au lieu de les fêter ou les célébrer, on confond globe terrestre et mappemonde, qui est une carte plane... Les boissons alcooliques, vin et whisky, deviennent, bien à tort, alcoolisées.
-Coupables, les seuls journalistes ?
-... souvent leurs invités. Hommes et femmes politiques compris. Raymond Barre nous a parlé d'une panacée universelle (pléonasme !), Jacques Chirac emploie l'expression mieux que quiconque au lieu de mieux que personne. VGE prononça les humbles sans liaison. Laurent Fabius déforma il vaut mieux en il faut mieux. Georgina Dufoix fit rimer gageure avec majeure au lieu d'injure...
-Votre tiercé gagnant ?
-Zitrone, Chancel, Bouvard.
-Les spots publicitaires ?
-Il y a cet absurde "Auto macho, auto bobo" dont ne voudraient pas les Papous les plus primitifs (macho, emprunté à l'espagnol, n'a aucun rapport avec l'excès de vitesse). Il y a le "Ticket chic, ticket choc" du métro : deux mots signifiant élégance (chic) et collision (choc).
-À quoi est dû ce massacre ?
-À l'absence d'un enseignement dûment programmé du français. C'est un professeur qui vous le dit !...
Nous avions organisé sa dernière interview par le magazine belge
Le Soir magazine :
Nous avons retrouvé Maître Capelo !
Mercredi 9 mars 2011
Ce personnage drôle et farfelu a 88 ans.
Sa fille et ses proches nous donnent des nouvelles fraîches de Maître Capelo qui salue bien la belgique !
De notre envoyé spécial à Paris, Nicolas Dewaelheyns.
Il a participé à plus de 5.000 émissions sur la langue française. C’est un des personnages les plus attachants de la télévision et les plus appréciés du public. Jacques Capelovici, que tout le monde connaît sous le nom de “Maître Capelo”, incarne la culture et il est l’intelligence en personne. Ce passionné des mots et de la langue française s’est fait connaître à travers deux des plus emblématiques émissions de la télévision : le “Francophonissime” (diffusé de 1969 à 1981 dans toute la Francophonie), dans lequel apparaissait notamment “notre” Paule Herreman, et les célèbres “Jeux de 20 heures” (de 1976 à 1987), animés par Maurice Favière (aujourd’hui âgé de 88 ans et en pleine forme ; il s’est remarié il y a quatre ans) et Jean-Pierre Descombes (63 ans). La fille de Maître Capelo évoque son papa.
« Mon père parle souvent des “Jeux de 20 heures”. C’est une période importante de sa vie. Quand il en parle, il est heureux ! », nous explique Françoise (69 ans), la seule et unique fille de Jacques Capelovici, qui a fêté ses 88 ans le 19 décembre dernier. « Pour moi, c’était plus un copain qu’un père », nous explique-t-elle. « Je n’avais même pas 20 ans d’écart avec lui ! C’était mon copain. On jouait ensemble. Mes parents ont été grands-parents à 44 ans ! »
Né dans le 6e arrondissement de Paris d’un père roumain naturalisé français et d’une mère bretonne (sic), le jeune Jacques Capelovici est curieux de tout, et ce dès son plus jeune âge. Ainsi, à 10 ans, le jeune Jacques a écrit à Tristan Bernard. Il lui fait part de son attachement à la langue française. « Il a d’ailleurs reçu une réponse à sa lettre », nous explique sa fille. « Ça l’a encouragé à continuer. Et il a toujours défendu le français. Pourtant, mon père était professeur d’anglais, pas de français », sourit-elle.
C’est à grâce à Maître Capelo qu’il nous est offert aujourd’hui de faire des mots fléchés. « Il les a introduit en France », explique Françoise. Encore jusqu’au mois de décembre dernier, il publiait chaque semaine ses grilles de mots fléchés dans un grand magazine français de télévision.
Les premières années de sa carrière, Jacques Capelovici a été instituteur. Puis, il est devenu professeur d’allemand au collège, avant de devenir professeur d’anglais au lycée Lakanal à Sceaux. « Mon père est agrégé d’anglais, diplômé d’études supérieures d’allemand», détaille Françoise.
« Quand mes enfants avaient des problèmes avec leurs devoirs d’anglais, ils appelaient Maître Capelo », sourit Jean-Pierre Descombes, son beau-fils. C’était le professeur qu’on aurait tous aimé avoir pour apprendre le français en s’amusant. « Pour que les élèves retiennent la superficie équivalente à un hectare, il racontait que c’était l’équivalent d’un terrain de football », se rappelle son plus fidèle ami Alexis Ciolkovitch. Il avait toujours le sens du concret. Il essayait de rendre le cours vivant ! Et les élèves retenaient ce qu’ils apprenaient. Mais il avait ses méthodes. Les inspecteurs ne l’appréciaient pas beaucoup. Et lui, il ne les aimait pas non plus. Ils étaient jaloux de ses connaissances. » Et sa fille Françoise de préciser : « Il n’a jamais eu de problème de discipline avec un élève ! »
En 1966, Raymond Marcillac présentait à la télévision française l’émission “Télé-Dimanche” à laquelle des sportifs et des chanteurs participaient. Lors de chaque émission, de jeunes lycéens s’affrontaient en duel. Deux lycées étaient représentés chaque semaine. Chacun par quatre candidats. Jacques Capelovici se rendre à la télévision avec sa classe. Tout de suite, il sympathise avec Raymond Marcillac qui éprouve bien des difficultés à rédiger des questions touchant à la géographie, à l’histoire, aux langues et à la littérature. Et c’est comme ça qu’il a intégré l’équipe rédactionnelle du jeu. Puis, le célèbre producteur de jeux Jacques Antoine eut l’idée formidable d’engager Jacques pour un nouveau jeu qui allait marquer l’histoire de la télévision : le “Francophonissime”. En arbitrant les épreuves, il en devint la vedette, le personnage de “Maître Capelo” était né.
Parallèlement au “Francophonissime”, il y eut également les “Jeux de 20 heures”. Après l’arrêt du jeu en 1987, le Maître a continué à défendre le français et à dénoncer le massacre de la langue française dans les médias ou à travers différents ouvrages comme “Le guide du français correct”, “Parlons correctement le français” ou “Le français sans fautes”, dans lequel il répertorie les erreurs les plus fréquentes de la langue parlée et écrite. « En 25 ans, il a repéré plus de 1.000 fautes dans le Larousse », se souvient Alexis Ciolkovitch. « Chaque année, Larousse lui envoyait un dictionnaire. Et lui, il leur envoyait ses corrections », sourit-il. Pendant une dizaine d’années, il a également été examinateur à l’oral de philologie anglaise à l’université. Mais tout le passionnait, même les mathématiques. Et il voulait que la connaissance soit accessible au plus grand nombre. « Ainsi, dans les années 60, chaque année, il était président de jury au baccalauréat à la prison de Fresnes. Pour les prisonniers politiques et les prisonniers de droit commun », détaille sa fille Françoise.
Malgré la notoriété que la télévision lui avait offerte, Maître Capelo est resté un homme simple, très attachant, et accessible. Sa notoriété, il l’aime. Et se faire arrêter en rue et être salué par des admirateurs, c’est tout ce qu’il aime. « Dans le métro, les gens le reconnaissaient. Il leur souriait. Alors les gens lui disait : “Mais vous êtes Maître Capelo ?”. “Mais oui !”, et il sortait de sa poche une photo qu’il dédicaçait. Il aimait ça. Il aime les gens. Partout où il allait, il avait toujours sur lui ses photos pour dédicacer et offrir aux gens », explique Maurice Favières. Anecdote souriante : Maître Capelo signait toujours ses photos en vers. Par exemple : “ Le monde entier ne peut qu’envier l’intelligence d’Olivier”. Ou : “Mieux vaudrait périr dans les Catacombes qu’être un jour privé du charmant Descombes”. Maître Capelo aurait été le candidat idéal à l’émission “La Tête et les Jambes”. Homme érudit à la mémoire extraordinaire, il ne négligeait pas pour autant sa condition physique. «Quand on faisait les “Jeux de 20 heures”, il avait toujours des raquettes et une petite balle dans son sac. Il adorait jouer au ping-pong. Dès qu’on arrivait dans un village où l’on faisait l’émission, il cherchait toujours une table de ping-pong pour qu’on puisse jouer », se souvient Jean-Pierre Descombes. « Il a même battu Henri Salvador lors d’une partie ! », ajoute sa fille Françoise. Il aimait aussi le foot. »
En dehors de la télévision, Maître Capelo est un homme simple, agréable, qui ne se prend jamais au sérieux. « Avec moi, par exemple, il a accepté de tourner une pub pour les pâtes Lustucru. J’ai aussi des images de lui où il est habillé en clown pour une émission de fin d’année. Il était maquillé et portait un nez rouge. Les gens étaient écroulés de rire quand ils l’ont vu comme ça ! », se souvient Jean-Pierre Descombes. « Capelo était un homme complètement farfelu. Il était très drôle et très gentil. Mais farfelu », souligne Maurices Favières.
Si toute sa vie, il a vécu dans le 14e arrondissement, son quartier, Maître Capelo profite aujourd’hui d’une retraite bien méritée, au calme dans une maison de retraite de la région parisienne où il réside depuis le décès de son épouse Léa en 2007. Il y reçoit la visite régulière de ses plus fidèles amis et de sa famille. « Il a deux petits-enfants : ma fille et mon fils », détaille Françoise.
Ces jours-ci, Maître Capelo est “très fatigué”. « Mais il tient à saluer chaleureusement la Belgique, un pays cher à son cœur. Le troisième prénom de mon père, c’est Albert », tient à nous préciser Françoise. « Il s’appelle Jacques Roger Albert, parce que mon grand-père aimait beaucoup le Roi des Belges, Albert Ier. Et mon père aimait, lui aussi, beaucoup la Belgique. » Maître, vous qui portez la Belgique dans votre cœur, sachez qu’elle ne vous a pas oubliée.
Extrait de R. Laven :
L'enfant qui léchait les bateaux (BoD, Paris, 2015)
Extrait de P. Lafourcade & M. More : 15 énigmes ludiques pour s'initier à la programmation Python (Dunod, 2022)
Témoignages :
Alain Rey (lexicographe, coauteur des dictionnaires
Robert) : «
Il était l'incarnation de l'intérêt des Français pour les problèmes de la langue [...] il a passé sa vie à défendre la langue française, il était sympathique et intelligent, et je ne peux que lui rendre hommage et m'attrister de sa disparition. »
Bernard Pivot (animateur notamment d'"Apostrophes") : « Jacques Capelovici était une sorte de monsieur je-sais-tout, très à cheval sur la langue française [...] je ne l'ai jamais rencontré, je l'ai seulement vu dans des jeux télévisés. »
Hommage du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel :
« Disparition de Jacques Capelovici : réaction de Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel
Communiqué du mardi 22 mars 2011
Jacques Capelovici, notre « Maître Capello », a marqué des millions de téléspectateurs, notamment ceux des Jeux de 20 heures, par son esprit et sa culture.
Je salue l'œuvre de ce linguiste émérite et polyglotte, qui a incarné à la télévision comme à la radio, pendant de longues années, l'exigence et la précision, avec humour, mais aussi avec la volonté de transmettre son amour des lettres au plus grand nombre.
Une œuvre qui s'inscrit dans le droit fil de la mission conférée au Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la promotion de la langue française.
Jacques Capelovici a construit toute sa carrière autour des mots et de la connaissance, apportant la preuve éclatante que la rigueur est l'alliée du succès et de la popularité ».
Hommage du
ministre de la Culture :
Au prix Bruno-Coquatrix (courses hippiques), en octobre 1990
Le Maître dans son/ses quartier/s
Autres hommages :
TSR
FR3
Public
Maître Capello : Jeux de mots !
Linguiste émérite et polyglotte, amoureux de la syntaxe correcte “de bon aloi”, maître Capello a fait les beaux jours des “jeux de 20 heures”. Ses rappels à l'ordre orthographique sont cultes.
Est-ce « de bon aloi » de mourir ? Certainement pas. C'est pourtant ce qu'a fait Jacques Capelovici, plus connu sous le nom de Maître Capello, en posant un point final à une existence bien remplie le jour du printemps de l'année 2011. Ce dimanche-là, si les mots pouvaient ressentir le drame d'être orphelins, ils se seraient assurément sentis bien tristes. Ce grand pontife de la langue française nourrissait avec ses vocables un rapport – ô combien – affectif qui lui permit d'en être le passeur passionné et passionnant dans ses cours ainsi que dans de nombreuses émissions de télévision et de radio.
Rien qu'à l'évocation de son patronyme, de multiples souvenirs viennent se bousculer dans la tête des téléspectateurs... Pourquoi est-il incorrect de dire « appuyer sur la gâchette », « un événement conséquent », ou encore « une simple péripétie » ? Comment prononcer correctement abasourdi, carrousel, dégingandé, handball ? Saviez-vous que l'on peut écrire de cette façon bagou, balluchon, bistrot, fioul, hululer, moresque, pagaïe ?
Vocabulaire, orthographe, prononciation, grammaire..., le meilleur ami du dictionnaire transmettait son savoir dans un esprit de joyeuse curiosité. Il était un traqueur inlassable d'expressions qui ne sont pas « de bon aloi », prenant plaisir à débusquer les mille erreurs que nous commettons chaque jour à notre insu, mais aussi les bizarreries de la langue, les tournures fautives, les pléonasmes et autres liaisons dangereuses. Dans ses livres comme dans les médias, il révéla l'histoire et les multiples sens et facettes de mots simples, savants, en désuétude ou de néologismes.
Ce Parisien, né le 19 décembre 1922 d'un père d'origine roumaine et d'une mère normande, fut d'abord un excellent élève : agrégé d'anglais, titulaire d'un Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) d'allemand, diplômé d'italien et de scandinave ancien... Il lisait même le braille et avait, comme tous les forts en thème de sa génération, de solides connaissances en latin et en grec.
À partir de la fin des années 1940, Jacques Capelovici est professeur d'allemand au cours complémentaire du 93 rue d'Alésia à Paris, dans le XIVe arrondissement, puis d'anglais à l'École commerciale de la chambre de commerce et de l'industrie de Paris. Il enseigne ensuite l'anglais au lycée Lakanal, à Sceaux (Hauts-de-Seine) jusque dans les années 1980. À cette époque, il fait aussi passer les épreuves du bac aux détenus de la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Sa pédagogie originale en fait l'une des vedettes du lycée et, déjà, tout le monde l'appelle « Maître ». Sa notoriété aurait pu ne pas dépasser les murs du lycée Lakanal si le directeur de la chaîne régionale FR3, Maurice Cazeneuve, n'avait fait appel, en 1976, à deux producteurs spécialistes de jeux télévisés, Jacques Antoine et Jacques Solness, pour lancer un rendez-vous quotidien convivial.
Ce seront Les Jeux de 20 heures, où des personnalités se confrontent, depuis un studio parisien, à des candidats anonymes installés dans différentes régions françaises et qui tentent de les faire trébucher sur des questions de vocabulaire et de grammaire. Pour l'animer, ils choisissent trois hommes : Maurice Favières, alors présentateur radio sur RTL, Jean-Pierre Descombes, qui se voit confier la tâche d'aller à la rencontre de la France, et Maître Capello, en juge arbitre. À l'heure de la grande messe du journal télévisé, ils faisaient jouer Micheline Dax, Pierre Doris, Patrick Topaloff, Daniel Prévost ou encore Sim au « Ni oui ni non » avec des téléspectateurs en duplex de Lille, Strasbourg ou Cannes.
Auparavant, on avait aperçu Maître Capello une première fois en 1966 en tant que participant à l'émission Télé Dimanche (il était venu avec des élèves), puis, à partir de 1969, en arbitre du jeu consacré à la langue française, Le Francophonissime, diffusé par les télévisions des pays francophones.
Avec son index perpétuellement levé, son look de prof à l'ancienne aux sourcils broussailleux, vêtements désassortis et allure de batracien à l'œil qui frise, Maître Capello devient vite l'emblème des Jeux de 20 heures, accompagné de son porcelet de porcelaine gavé de piécettes en francs français ! Un personnage familier, sorte de professeur Tournesol aux connaissances encyclopédiques, qui se délecte de partager son immense savoir, déroulant à plaisir l'histoire des mots et usant d'un langage soigné et souvent anachronique.
Si un candidat répondait positivement, il décrochait la somme contenue dans le « nourrain », la fameuse cagnotte. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, quand la France portait des sous-pulls et n'avait que trois chaînes de télé ! Maître Capello s'amusait aussi follement à inventer des contrepèteries, à imaginer des jeux de mots laids et des calembours, à créer des acrostiches et des palindromes (mot ou groupe de mots qui se lit dans les deux sens), dont le célèbre : « Éric notre valet alla te laver ton ciré », où ce polisson glosait qu'« Éric » pouvait laisser place à « Luc ».
Il était aussi sociétaire des Grosses Têtes, sur RTL, et participait régulièrement à l'émission de Laurent Baffie C'est quoi ce bordel ? sur Europe 2. Féru de jeux de mots et verbicruciste passionné, Jacques Capelovici importa en France le jeu des mots fléchés, né en Allemagne. Il travailla ainsi jusqu'au dernier moment pour les pages jeux du magazine Télé 7 jours. Pour l'anecdote, il avait même envoyé dans sa jeunesse une grille à Tristan Bernard qui lui avait gentiment répondu !
Parallèlement, il publia des ouvrages de vulgarisation intelligente, dont un Guide du français correct, prouvant par là même qu'il n'est pas nécessaire d'être abscons pour être rigoureux. Modèle de perfection grammaticale et syntaxique, Maître Capello n'a commis qu'une seule faute de goût, le 20 mars 2011 : mourir, à l'âge de 88 ans.
C'est le lundi 22 mars 1976 que l'émission Les Jeux de 20 heures apparaît sur FR3. Ce jeu de culture générale est l'occasion d'une rencontre entre Paris et la province en mettant en scène des célébrités dans un studio de la capitale et des candidats en duplex depuis leur ville, qui s'affrontent à travers des questions très variées. La liaison avec les concurrents régionaux est assurée sur place par Jean-Pierre Descombes et l'arbitrage par Maître Capello. Jacques Solness, le créateur, a présenté les deux premiers numéros avant de laisser la place à Maurice Favières, puis à Jean-Pierre Foucault, Marc Menant et enfin Harold Kay.
Diffusée pendant onze ans, l'émission est remplacée par La Classe en 1987. Plusieurs jeux étaient proposés avec des interactions entre les deux plateaux. De nombreuses célébrités y ont participé, Patrick Sébastien et Yves Lecoq y ont même fait leur première apparition télévisée !
Dominique PARRAVANO
Arcueil notre cité (n° 216, avril 2011) rend hommage à son ex-résident de marque.
Sceaux Magazine (n° 414, mai 2011) rend hommage au Maître.
Les Nouvelles de Roumanie (n° 65, mai-juin 2011) rendent également hommage à ce grand Français d'origine roumaine.
Bruno Tessier, dans :
Ces Roumains qui font la France (Bibliomonde, 2020), évoque le Maître.
À noter cet hommage de Nicolas d'Estienne d'Orves, dans son Dictionnaire amoureux du mauvais goût (Plon, 2023) :
Hommage en Belgique :
Maître des mots et des Jeux de 20 heures. Voici le 2e personnage de notre saga : Jacques Capelovici
BRUXELLES "Je mets 100 francs dans mon nourrain"... Au bout d'onze années d'arbitrage et de 5000 émissions des Jeux de 20 heures, il a cumulé une sacrée somme d'argent - fictive - dans sa tirelire, Jacques Capelovici, alias Maître Capello.
Souvenez-vous : en mars 1976, sur FR3. Célébrités et anonymes de province répondent aux questions de culture générale posées par Jean-Pierre Descombes et Maurice Favières. Certains s'amusent au jeu du ni oui ni non. Et Maître Capello, muni de son ding ding (sa sonnette) et de son dictionnaire, nous gratifie de quelques cours de langue française. À chaque bonne réponse des candidats, il glisse dans son nourrain - à ne pas confondre avec un goret, le Maître y tient - quelques fausses pièces de francs français.
En 1987 : l'émission s'arrête. Maître Capello ( avec deux L s'il vous plaît, alors que Capelovici n'en prend qu'un ), malgré sa réputation de linguiste émérite, à la fois drôle et autoritaire, se fait plus rare à la télévision. Et c'est en radio, comme sociétaire des Grosses têtes, qu'il s'entraîne à ses envolées lyriques et autres jeux de mots.
Au compteur de Maître Capello : un diplôme d'anglais, d'allemand, un autre d'italien ou encore de scandinave. Cet ami des mots - qui a débuté sa carrière de juge-arbitre télé en 1969 dans Francophonissime - a, à ce jour, publié une quinzaine d'ouvrages consacrés à la langue française. Â aujourd'hui 84 ans (il est né le 19 décembre 1922), il gratifie encore une autre génération de téléspectateurs et d'auditeurs de quelques leçons de français "de bon aloi". Voilà quatre ans, il est intervenu dans l'ancienne émission de Thierry Ardisson, Tout le monde en parle, histoire d'élever le niveau de langage. La même année, Laurent Baffie, qui l'avait convié sur le plateau de France 2, lui offrait un rôle en forme de clin d'oeil dans sa réalisation pour le cinéma, Les clés de bagnole. Un maître dont beaucoup ont retenu les leçons.
© La Dernière Heure 2007
Le
Quid et le
Who's who in France ainsi que
Wikipédia comportent des notices (incomplètes) sur J. Capelovici.
Quelques devinettes et définitions du Maître
Sans moi, Paris serait pris, qui suis-je ? (A)
En deux lettres, condamné à mort (
né)
Veni, vidi, Capelovici !
Quelques alexandrins, à nous dédiés !
(Le Maître, toujours curieux, avait trouvé que notre nom en breton signifie « jumeaux », d'où notre surnom de « besson » !)
Saluons l'initiative d'un créateur français de stylos, qui consacre une collection (la collection
CAPELLO) à la mémoire du défunt Maître.